Par Ahmed ARAÏB
Peut-on aborder l’analyse, la lecture et la critique de films sans le minimum requis. Et ce minimum requis sont les qualités intrinsèques à l’approche de ce matériau, à la fois ancien et moderne, qu’est le film. Matériau visuel d’abord, puis visuel et sonore, faisant désormais partie de notre environnement et de notre vie.
Ainsi, quand on procède à la critique de films voire même son analyse, l’approche ne peut être indépendante de notre milieu social, de notre culture, de notre personnalité et même de notre statut. Un critique issu de souche pauvre n’aborde pas un film traitant de la misère qu’un autre provenant de la bourgeoisie. Le premier se sentirait plus touché certes par les propos du film que le second et devient même plus tolérant vis-à-vis des insuffisances du film.
L’état psychologique du critique au moment de la projection a aussi son influence. Ce dernier, s’il est préoccupé par un quelconque souci, perd toute concentration sur l’oeuvre en projection et marque un certain désarroi envers ces images en mouvement. Les meilleurs moments du film lui passent sous le nez. Et quand il tire ses conclusions finales en jugeant le film, il est loin d’être, objectif, rigoureux, juste, crédible.
Ainsi, l’environnement social et psychologique du critique jouent un rôle dans l’évaluation des œuvres. Il n’y a qu’à voir les films marocains comment ils sont jugés par les critiques marocaines et par leurs homologues étrangers quand ces derniers ont l’occasion de les voir à l’occasion de festivals ou à quelques rares sorties de nos films sur les écrans en Europe ou ailleurs.
Généralement, on ne leur consacre pas beaucoup d’espace et ou les traité à leur juste valeur, et la critique étrangère est souvent unanime sur ce jugement.
Quant à la critique qui se déploie vis-à-vis du produit national, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas la critique de films. Ce sont plutôt des impressions ressenties envers une œuvre dénuées de réflexions spirituelles. On laisse parler ses sentiments plus que son cerveau. Aussi, on se contente de reprendre l’histoire et le statut de ses personnages comme au bon vieux temps. La presse et l’incompétence sont de mire. Les rares articles qui paraissent dans quelques revues, disons spécialisées ; n’émergent rien d’intéressant car le contenu comme l’approche sont insignifiants, voire même inutiles.
Le fait, la critique de cinéma au Maroc est quasiment absente. Les « plumes » d’autrefois ont déserté le domaine se réfugiant dans des administrations, des commissions, au couvent derrière l’organisation de festivals jugés plus probants, plus bénéfiques. Une nouvelle génération de journaliste a pris la relève dans la presse écrite, et leurs écrits se limitent à l’aspect formel et aux anecdotes, sinon les petits scandales qui entourent les films. Ils ne sont pas capables d’aborder les films en profondeur tout simplement par manque d’intérêt. Les films en eux-mêmes ne les intéressent et préfèrent écrire autour des films et des critiques autrefois, sont progressivement désertées. Les films en VCD, DVD, sur chaînes câblées ou satellitaires fournissent un grand éventail de films et donnent un grand choix aux téléspectateurs, y compris ceux qui visionnent des films sur un lecteur DVD doté d’écran ou devant un PC portable. Quatre membres d’une famille peuvent regarder quatre programmes différents. A quoi bon donner un avis sur un produit qu’on a regardé seul A quoi bon écrire un article sur un film vu par une minorité
C’est le désarroi qui saisit la critique de cinéma dans les temps actuels. Ecrire, oui, mais pour qui Tant que le lecteur, hier cinéphile assidu dont on a garanti la présence devant écran, n’est pas « complice » dans le spectacle, la motivation manque chez le critique, lui qui souhaite partager le plaisir d’analyse et de lecture avec les autres, aussi passionnés que lui. Sinon, à quoi sert la critique .